TDS 2013
Date : 27 Août 2013
Distance : 119 km
Dénivelé : 7 250 D+
Finisher : Laurent, Thierry, Patrick, Philippe
Auteur de l’article: Laurent
Contributeurs de l’article : Thierry, Patrick
Le site de la course > http://www.ultratrailmb.com/page/22/TDS.html
27 août 14h : Nous voilà à Chamonix. On gare la voiture nickel pas loin du gymnase. Longue file d’attente pour le retrait des dossards, on poireaute plus d’une heure, ce n’est pas cool d’autant qu’il pleuviote et que le taxi pour Courmayeur nous attend à 17h. Nous n’aurons pas le temps de passer au village exposants. Petite pause au camp de base (bar 4807) bien connu de ZeTeam, et qui nous a abreuvés dans toutes nos aventures chamoniardes.
17h : C’est parti, on est 8 ! Thierry, Luc, Philippe, Bruno, Patrick, Jean Christophe et son pote Aymeric et bibi. Belle équipe, ça discute dru. Hôtel Centrale, accueil italien « spécial », faut pas être pressé, pas l’air aimable le gus. On prend nos quartiers et Rdv à la pizzéria du coin : un truc de ouf, c’est pas des pizzas, c’est des roues de charrette. Thierry annonce les objectifs, ce sera 28h40 pour cette petite sortie entre amis.
06h25 devant l’hôtel, manque Patrick, on l’appelle au tél, on laisse message. On avance vers la ligne, il va nous rejoindre. 2 sacs à déposer, belle organisation mais on se perd de vue sur l’aire de départ. Bruno et Thierry ont sans doute l’air louche et ils se font contrôler par la patrouille volante : revue de tout le paquetage obligatoire sur le trottoir de Courmayeur. Pas de problème, ils sont cleans. Le jour s’est levé, on attend le départ. Je regretterai ne pas entendre l’hymne de départ qui nous met souvent la chair de poule.
7h, Il fait beau. Je suis avec Philippe. On doit être dans le premier tiers du peloton, les potes pas loin derrière mais on ne peut plus se rassembler. Go Go ! Je me suis fêlé 3 cotes il y a 11 jours en faisant du canoë, je n’ai même pas couru 1 km depuis lors…, qui vivra verra.
On démarre très doucement. On se laisse abondamment doubler. Jean Christophe et Aymeric nous dépassent comme des avions en sortie de Dolonne. Le public est nombreux. 800 mètres de dénivelé+ depuis le départ vite avalés et on arrive au col Checrouit avec Luc. « Tiens donc, mais cékikéla : salut Patrick, t’étais où ? oh pu… pas entendu le réveil, ouvert un œil à 6h46 pour un départ à 7h ! ». Le cœur à 274 puls/mn dès la sortie du lit et grosse pression pour nous rejoindre, sans compter qu’il a dépassé Thierry et Bruno sans les voir…
Nous quittons la piste jeepable pour emprunter le premier single-track, direction l’arête du Mont Favre qui nous offre un magnifique panorama sur le massif du Monte Bianco. L’herbe est blanche, fait frais. Vue dégagée, on voit les premiers concurrents vers l’arête; derrière nous, long serpent rassurant. La montée est raide mais on a une vue à couper le souffle. Je suis soulagé, pas de grosses douleurs costales J’espère que ça va durer, j’attends le juge de paix de la première descente vers le lac Combal qui va me secouer les tripes.
Elle est trop belle cette descente. Je cours prudent, ça passe, c’est trop cool. 450 mètres plus bas, nous rejoignons la large piste en fond de vallon, puis le second ravitaillement sans Patrick contraint à une pause technique. Il va se remettre la pression pour revenir sur nous une deuxième fois. Quel début de course inconfortable pour lui. La pause sera brève et on repart à 4 à l’assaut du col Chavannes qu’on devine 600 mètres plus haut avec une belle montée en lacets. Bruno passera ici quelques instants plus tard. Sait-il à cet instant qu’il mange ici ces dernières calories avant bien longtemps ? Vaut mieux pas trop lever le nez pour garder le moral.
Pointage au col, on se fait prendre en photo par un concurrent, la vue est splendide, c’est top. 10 kilomètres de descente en pente douce nous attendent sur un large chemin à 4×4. On croise même des gars qui montent en VTT : des oufs. Cette descente permet de faire un peu de vitesse ! j’aime utiliser ce mot : vitesse : on doit taper les 10.583 km/h. Au détour d’une boucle, on voit Aymeric qui claudique. Genou bloqué dès le 3° kilo, il a forcé jusque-là mais cette descente le tue, il arrêtera au prochain ravito après avoir été transporté par une jeep qui passait.
On quitte le sentier pour suivre un single tracé dans l’herbe en dévers. On traverse même des passages imbibés de flotte, juste de quoi avoir le bout des pieds mouillés. Ciao bella ! les filles de Bruno sont là, c’est cool. Elle feront un accueil de pop star à leur père quelques dizaines de minutes plus tard. Bruno qui ne s’y attendait pas en profite bien. Un passage dans les bois puis nous traversons des alpages et on aperçoit le lac Verney, c’est bien beau ! La montée qui suit est super raide, courte mais raide. Le public est là, les filles de Bruno aussi, c’est cool. On est au col du Petit Saint-Bernard. Malheureusement, ce col marquera aussi le début du chemin de croix de Bruno. Celui-ci n’a pas mangé depuis 10h et le ravito du Lac Combal. Ses tripes commencent à jongler, pas de bol, la nutrition lui joue de nouveau un bien mauvais tour.
On repart pour une très très longue descente semble-t-il : 14 kilomètres jusqu’à Bourg Saint-Maurice ! On traverse les alpages, on quitte les alpages pour pénétrer dans la forêt, la végétation change, la civilisation approche, on aperçoit Bourg St Maurice au loin, bien loin. Petit village de Saint-Germain : beau moulin à eau, quelques amis qui prennent l’apéro, un petit 51 les gars ?
Bourg Saint-Maurice approche… Non, c’est Séez. La ville est encore plus loin… le fond de vallée est triste, on longe une centrale électrique. Vivement le ravito. Il se trouve en pleine ville. C’est un peu le bazar. On téléphone à Thierry, en général, il nous rattrape vers la mi-course. Crotte, il est avec Bruno trois bons quart d’heure derrière. Bruno n’est pas au mieux, ils font route ensemble. On ne le sait pas encore mais on ne les reverra pas. Contrôle en sortie de ravito : on tombe sur un bénévole sympa qui nous fait confiance à l’énumération du matos ; c’est l’avantage de ne pas être dans les premiers, l’enjeu est « moindre ».
Y a foule dans les rues, ça fait tout drôle de se retrouver là et on a hâte de retrouver nos single-tracks, ce malgré les 50 kilomètres qu’on a déjà dans les pattes. Devant 2000 mètres de D+. « Oh fan » le père Patrick et consœur Philippe attaquent ça à donf, silence radio, souffle court, il fait très chaud, je m’accroche, Luc décroche, on rattrape Jean Christophe, on le laisse sans pitié, j’en chie grave, la ville devient toute petite en dessous et on ne voit même pas le sommet…Enfin j’aperçois le fort de la Platte, je crois que c’est le sommet. Que nenni. Il n’y a qu’un ravito en eau au bout d’un tuyau et les bénévoles nous disent que la route est longue et fraîche. Effectivement depuis un quart d’heure, il commence à faire froid.En marchant, on enfile la veste, le vent souffle, breuuh, frisquet. La montée se poursuit, faut bien les trouver ces 2000m de D+ non stop…
Enfin, le Col de la Forclaz, courte descente et on longe cinq lacs. C’est ma-gni-fi-que. Un endroit superbe, des fleurs blanches autour des lacs, le soleil bas du soir qui éclaire les montagnes d’en face et dessine de grandes ombres ; extrêmement sauvage, entourés de montagnes, seuls au monde, personne ne parle.
D’un coup le sentier reprend de la pente vers le fameux Passeur de Pralognan. C’est raide, on va cool mais le contrat est rempli : on voulait le passer de jour. Thierry et Bruno passeront juste à la nuit.
Au sommet, on ne s’attarde pas, le soir approche. La cassure est radicale, on passe d’une montée herbeuse à une descente caillouteuse-rocheuse. Des cordes fixes sont installées pour éviter les chutes. C’est là qu’on pense aux barjos qui courent en 15h. Comment font-ils pour passer là comme des dératés ? je n’ose même pas imaginer de nuit, sous la pluie ou la neige. Avec la fatigue des kilomètres accumulés, ça tournerait au carnage. On traverse un tchio torrent dans le bas et une longue portion en faux plat nous conduit vers le Cormet de Roselend. Retour dans la foule. On croise plein de gens à pied qui vont à la rencontre de leur fondu-trailer. On y arrive sans la frontale mais c’était juste de chez juste. Collecte des sacs de change, parfaitement alignés dans le semi-remorque prévu à cet effet à Courmayeur. L’organisation est au top, sommet mondial oblige.
On s’arrête longtemps à ce gros ravitaillement. Soupe. Fromage. Thé très sucré. Ptit coup de Nok. Le froid nous gagne, hâte de repartir dans le brouillard qui est descendu et qui glace l’atmosphère en direction du col de la Sauce situé 4 kilomètres plus loin et 300 mètres plus haut ; portion plutôt cool coté relief pour se refaire la pastille avant le Passage du Curé, chemin taillé dans la roche en pleine paroi qui surplombe une gorge où coule un torrent qu’on éclaire avec notre frontale. Spectaculaire.
On apprend par Thierry que Bruno a été arrêté au Cormet de Roselend par le toubib : grosse hypoglycémie, au-delà du seuil de perfusion… Avec sa volonté de fer qui l’a amené jusqu’ici, à jeun depuis maintenant 13h malgré les efforts de brute, Bruno annonce au médecin de course qu’il va repartir dans 15 minutes. Celui-ci ne se laisse pas influencer et lui retire manu-militari son dossard. Grosse déception mais pas possible de continuer, la TDS se refuse à lui cette année et nous rappelle à tous que nous sommes bien dans l’extrême. Jean-Christophe passe aussi à la trappe au Cormet, et le père Luc est passé en louzedée, pas frais non plus mais il se refera la pastille et on le reverra dans Cham, le bougre. Thierry va devoir faire un bon bout de route tout seul. En vieux loup de « mer », on le sait fort comme un roc, ça va l’faire, il est trop fort sur les deuxièmes parties de parcours. En maitre es-self-motivation, il se fait même le pari perso de revenir dans la nuit sur ses potes mais le rythme imposé devant ne le permettra pas.
Contrôle de la Gitte au milieu de nulle part, on repart. On traverse des alpages. On remonte à flan sous l’Aiguille de Roselette, certains passages courts sont galère car très caillouteux. On sort sur une crête, on croit être au ravito du Col du Joly mais il est encore trois kilomètres plus bas, on voit les lumières. C’est loin.
Dans la tente, des coureurs dorment sur des lits de camp. Bizarre, ça fait moins de 24h qu’on est parti. Un autre récupère d’un gros coup de mou, on discute ensemble, faut pas qu’il lâche. 10 kilomètres avant les Contamines …je n’ai aucun souvenir de ce passage : déconnexion ? on branche le pilote automatique dans ces passages souvent courus et reconnus.
Les Conta, on connaît. La montée vers les chalets du Truc, on connaît, les chalets de Miage, on y était sur la Montagn’hard, la montée au Col du Tricot, on la redoute. 1160 mètres de D+. C’est parti, plutôt bien à ce moment-là malgré la pente raide dès le premier virage. La voilà cette fameuse montée du Col du Tricot. 560 mètres de dénivelé + sur moins de 2 kilomètres, ça grimpe très raide. On se cale derrière une fille qui doit être bulgare, roumaine…balkanisante. Elle parle en anglais et elle parle pendant toute la montée avec une anglaise, elle nous casse les oreilles mais elle grimpe en causant alors que nous : silence radio, voire même plongée sous-marine avec juste le snorkel grand ouvert.
C’est là que c’est bon d’être entre potes : tu marches, je marche. J’aimerai m’arrêter mais puisque tu marches, je marche… Je lève la tête, faut pas faire ça malheureux…. Allez ! 50 mètres et 2 virages nous disent 3 personnes alors que le jour se lève. C’est bon, c’est fait.
Reste 20/22 bornes, de la rigolade…Descente vers la passerelle de Bionnassay en discutant avec un gars avec qui on parle de ses courses, ça passe le temps, on oublie les cuisses qui crient misère pour descendre de grandes marches pierreuses casse-binette. Remontée courte mais bien raide et pas anticipée, passage sympa en sous-bois, on traverse la crémaillère et on arrive à Bellevue avant la descente sur les Houches qu’on a fait l’an passé dans un bourbier sans nom. Aujourd’hui, c’est souple…puis bitume , ça sent l’Houches.
Voici les derniers kilomètres bien connus : départ UTMB dans l’autre sens, mais d’habitude, on y est frais comme des gardons et là, on traîne la patte. C’est bon, on sait qu’on a fini, on relâche la pression et d’un coup une grosse fatigue me gagne. Damned, à 5 kilos de l’arrivée, je galère. Le temps est divin, soleil et chaleur mais l’entrée dans Cham paraît bien longue bien qu’on croise plein de gens qui nous saluent.
On entre dans la rue piétonne, Patrick et Philippe ont des jambes de cabri, oh ! les gars, tout doux, profitez ! (en fait, j’suis cramé…) On se donne la main = ZETEAM, ils me tirent plutôt par la main. Virage à gauche le long des barrières, 100 mètres et voici l’arche bienfaitrice.
1 CCC, 3 UTMB, 1 TDS. Great ! ç’est bon ça (non, pas question, ne me parlez pas de PTL).
Luc et Thierry arriveront un peu plus tard sous les encouragements de leurs amis, déjà douchés, frais comme après un W25B.
Cette TDS a été un vrai bonheur, c’est un super format de course, départ 7h après une vraie nuit, 120 km : presque pas fatigué ; quoique si, un peu quand même. Un jour, une nuit, un matin, impeccable.
Et quels beaux paysages…
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